Thème: "Afghanistan-Pakistan ou la
fracture des peuples, des talibans à Daesh".
Georges
Lefeuvre est anthropologue, il a vécu plus de 14 ans dans la région
frantalière dite Af-Pak, et a appris la langue des tribus locales. Il
témoigne: "Cette zone est une région frontalière d'insurrections
permanente depuis trois siècles environ (pourquoi?), et c'est sur ce
terrain insurrectionnel qu'est venu se greffer le djihadisme
international dans les années 90".
Il nous aide à comprendre la complexité du phénomène terroriste.
Anthropologue
de formation, Georges Lefeuvre a longtemps vécu dans la région frontalière
Afghanistan-Pakistan et côtoyé de près les chefs de tribu des Kafir-Kalash, et
pachtouns. Fort de cette parfaite connaissance du « terrain », il est
d’ailleurs devenu un interlocuteur privilégié sollicité par le ministère des
affaires étrangères. Le 24 mars dernier, il était invité de l’association Laur’art
pour une conférence d’une grande richesse qui a permis à l’auditoire de mieux
comprendre ce qui se passe dans cette région, au moment où le problème du
terrorisme frappe l’Europe de plein fouet.
D’emblée, le
conférencier pose des bases claires : « expliquer, chercher à
comprendre, ce n’est pas excuser ». Et pour comprendre et éclairer l’auditoire,
Georges Lefeuvre, carte à l’appui remonte le cours de l’histoire. Il évoque
tout d’abord les premières révoltes du peuple pachtoun en 1727 à l’heure où l’Afghanistan
fut créé. Privé d’espace vital, ce peuple se retrouvait coincé, pris en étau.
Il parle ensuite des deux grands empires coloniaux l’Inde Britannique et la
Russie des tsars et rappelle qu’à l’heure de la décolonisation, l’occident a
unilatéralement tracé des frontières (la ligne Durand) créant artificiellement
le Pakistan en 1947.
Là encore, les tribus pachtoun se sont retrouvées reparties
entre deux nations l’Afghanistan et le Pakistan. Ces frontières créées par l’idéologue
coloniale, n’ont en fait jamais été reconnues par nombre de tribus. S’en sont
suivis de longues périodes d’insurrections permanentes sur fond de plaies mal
refermées depuis deux siècles et demi, et d’injustices faites à des groupes
humains. Le conférencier explique aussi que la notion de nation n’a pas la même
résonnance chez les musulmans qui y voient une communauté de croyants avant
tout et non un état.
Après cet
exposé de géopolitique précis, Georges Lefeuvre nous explique comment on peut
passer de l’insurrection au terrorisme. Il définit le salafisme comme une
doctrine du retour en arrière. Pour lui, les salafs ne sont pas des
terroristes. L’origine du terrorisme est plutôt à chercher dans le Whahabisme,
religion officielle en Arabie Saoudite. Dans les années 80, naissait Al Quaïda
avec Ben Laden, des théoriciens, des financiers whahabistes dans la zone proche
de Peshawar à la frontière des arabes saoudiens d’origine. Les occidentaux sont
jugés co-responsables de ces grans déséquilibres. Il s’agit alors de « casser
les états » et de « rassembler la nation musulmane ». C’est la
fracture des peuples due à la souffrance des peuples.
Au départ, les
Talibans n’ont rien à voir avec Al Quaïda. Les salafistes, tribu parmi d’autre,
veulent reprendre leur pays. Le 11 septembre 2001 marque une fracture. Georges
Bush, touché au cœur de son mandat, frappe alors l’Afghanistan ce qui est une
grave erreur. Les talibans refusent de livrer Ben Laden un « ami ».
quatorze ans après, les Talibans reprennent la totalité de l’Afghanistan.
L’échec
est total pour l’occident. Pour le conférencier, ce n’est toutefois pas avec
les Talibans qu’il faut négocier mais avec les chefs de tribu. Il dénonce et
regrette l’ignorance des hommes politiques sur la connaissance des peuples. Il
prône une mission diplomatique entre le Pakistan et l’Afghanistan, deux états
arque-boutés l’un contre l’autre.
Enfin, concernant l’attirance des jeunes pour
le Djihad, le conférencier pense que cela n’est pas uniquement dû à la misère
sociale. Dans une société occidentale qui n’offre plus de rêve aux enfants,
certains peuvent se croire les « nouveaux
chevaliers de la société de demain ». « Quand on a plus de place pour
le rêve, on se suicide, ou on prend les armes… ». En conclusion, il s’agit
aujourd’hui pour nos grands décideurs politiques occidentaux reconnaître ses
erreurs pour réparer et ré harmoniser. Vaste chantier.
LAUR'ART
Association culturelle du Méné
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