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Jean Glavany, ancien ministre de l'agriculture. |
Mardi 18 juin.
Soirée sur l'avenir de l'agriculture en Bretagne et en France animée par Jean GLAVANY, ancien ministre de l'agriculture.
Voici le compte rendu préparé par notre présidente Monique LECLERC:
Une soixantaine de personnes ont
accueilli Jean Glavany le mardi 18 juin à Laurenan, pour l’écouter parler de
l’avenir de l’agriculture bretonne et française. Il a introduit son propos en
affirmant ses convictions, et sa confiance : la France a toujours été une
grande puissance agricole, et elle le restera ; cela est lié à sa géographie,
son climat tempéré, et son économie ; nous avons tous des racines
familiales fortes dans le monde rural ; et citant Mona Ozouf : « Le
sentiment national est constitué de trois apports : le féminin, le
littéraire et le terrien. » Les agriculteurs bretons ont toujours su
s’adapter et sauront encore le faire : telle est sa conviction.
Il aborde ensuite une rapide
description du modèle agricole français avec quelques chiffres :
l’agriculture c’est 77 milliards de production annuelle, et 17% de la
production européenne. La naissance de la politique agricole commune (la PAC)
remonte à 1962, après le traité de Rome : l’agriculture française est
alors liée à celle de l’Europe, et fait l’objet de compromis entre les
différents intérêts de chaque pays. Dans un objectif de paix, les deux grands
pays que sont la France et l’Allemagne se voient confier les missions de
développement : à l’Allemagne, l’industrie et à la France l’agriculture.
Ce modèle est fondé sur un mandat passé à tous les agriculteurs européens de
produire plus, avec l’aide et le soutien de l’Europe. Assez vite on atteint la
surproduction et on se souvient dans les années 70 des stocks de beurre dits
« d’intervention ». Pour sortir de la surproduction et des baisses de
prix, des mécanismes sont mis en place : les aides directes aux
producteurs et les quotas pour encadrer ces productions, les aides à l’exportation
et le soutien aux marchés. C’est le « premier pilier » de la
PAC. Jean Glavany fait remarquer qu’alors, les libéraux ont combattu
toutes les régulations des marchés.
Mais la PAC repose sur deux
piliers : les aides directes, et aussi le développement rural : il faut
inscrire les aides dans le développement des territoires. En même temps une
nouvelle force s’exprime : l’idée de produire mieux et pas seulement plus,
prendre garde à la qualité des sols et à la qualité des produits.
Jean
Glavany aborde ensuite la question de sa vision personnelle de cette évolution
vers la qualité devenue de plus en plus pressante aujourd’hui : il a une
conviction forte, il faut donner un mandat clair aux agriculteurs. Hier (en 62)
le mandat était de produire plus pour nourrir la France. Aujourd’hui la demande
de produits bio pose problème, le bio est plus cher et un certain nombre de
consommateurs se tournent vers les produits bon marché ; le nouveau mandat
de l’Europe n’est pas clair sur ces questions.
Sa deuxième conviction concerne la
diversité des types d’agriculture : il existe de grands producteurs qui
vendent leurs céréales sur les marchés selon les cours de la bourse, et des
exploitations familiales plutôt dans les productions laitières. Il faut tenir
compte de cette diversité ; or le syndicat majoritaire, la FNSEA, dit
« Les agriculteurs : c’est moi ! » ; ce syndicat
adopte généralement des positions très conservatrices, dictées par les grands
céréaliers qui la financent.
Sa troisième conviction repose sur un
constat : ce qui marche partout au plan économique, c’est l’alliance de la qualité et de l’organisation
collective. Il donne l’exemple des cochons noirs de Bigorre, une espèce
quasiment disparue dans le sud-ouest : l’alliance de plusieurs producteurs
(65 actuellement) pour un projet de viande de porc de haute qualité a permis de
rebondir, la production et la demande sont en augmentation constante. Ce projet
collectif s’appuie sur un projet agro-environnemental cohérent basé sur la
reforestation et l’élevage en plein air. Mais en Bretagne on constate qu’il
n’existe pas de régulation du marché du porc.
Quel est le rôle de la PAC ?
la PAC distribue 9 milliards d’euros à l’agriculture française, principalement
en aides directes (7,6) et en aide pour le développement rural (1,4) :
avant, les 80% des aides directes allaient aux grandes exploitations ; un
progrès a été fait avec le découplage, et les 50 premiers hectares (réforme Le
Foll), mais la répartition de ces aides reste très inégalitaire.
Quel est le poids économique des exportations ?
c’est un solde excédentaire de 10 milliards d’euros, qui se répartit entre les
produits bruts (2 milliards) et les produits transformés, l’agro-alimentaire, 8
milliards. Les secteurs qui exportent le plus sont dans l’ordre : les vins
et alcool ; les céréales ; le lait et produits laitiers ; la
viande. L’activité agricole représente une grande richesse pour l’économie
française.
Comment expliquer le taux élevé de
suicides chez les agriculteurs ? C’est en effet un taux supérieur de 20% à
la moyenne nationale. Selon l’Observatoire national des suicides en France, ce
taux est stable depuis 40 ans, mais il est très variable selon les régions, la
taille des exploitations et le facteur social : il y a plus de suicides en
Bretagne que dans le Languedoc ; dans les petites exploitations que dans
les grandes ; chez les célibataires que chez les hommes mariés et vivant
en famille.
La question de l’écologie :
comment faire évoluer les pratiques agricoles face aux nouvelles demandes des
consommateurs ? Il faut souligner que la demande est diverse et qu’il faut
des réponses diverses. D’abord, produire mieux en qualité et en goût, en
sécurité alimentaire : depuis le problème de la vache folle, il a été
décidé de mettre fin à l’utilisation des farines animales pour l’alimentation
du bétail. Il faut aussi produire mieux pour générer plus d’emplois : mais
la transition écologique ne pourra pas se faire à marche forcée : il faut
du temps pour changer les pratiques, comme pour faire changer de route « un
grand paquebot ». Jean Glavany donne alors trois pistes pour cette
évolution. La première suppose de donner un message clair aux agriculteurs,
mais dans la sérénité, un message démocratique et partagé par tous, au
contraire des mots agressifs et de l’ « agribasching » : il
n’y a pas d’accusé à désigner; or ce n’est pas le cas aujourd’hui. La deuxième
piste repose sur une volonté politique chez les gouvernants : cela suppose
de savoir se démarquer du syndicat majoritaire. Enfin la troisième piste :
il faut savoir dépasser les résistances, avoir un projet, et savoir dans quelle
direction on veut aller (envoyer un mandat sociétal clair). Deux exemples sont
proposés : les CTE, ou contrats territoriaux d’exploitation , et le
problème des algues vertes. Les CTE sont des contrats qui ont été inventés par
Louis Le Pensec, ministre dans les années 90,et mis en œuvre en 99 ; ils
permettaient de moduler les aides selon des critères à respecter et l’entretien
du territoire rural, dans une démarche de diagnostic/ projet. Cette démarche de
logique territoriale était complexe à mettre en œuvre, mais passionnante ;
elle a permis de signer 120 000 contrats , soit un tiers des exploitations
en France, qui ont pu bénéficier d’un petit pactole en échange de leur
engagement. Mais en 2002, sous la présidence de Jacques Chirac, cette politique
a été arrêtée brutalement. De la même manière, le combat engagé pour lutter
contre les algues vertes en Bretagne nord a commencé par une table ronde
réunissant la FNSEA, la confédération paysanne et le préfet ; cela a donné
lieu à un plan très intéressant élaboré à l’époque par le préfet Claude
Guéant ; ce plan a fonctionné 2 ans avant d’être annulé en 2002 : un
vrai gâchis, constate Jean Glavany.
Pour conclure l’ancien ministre
cite un député européen espagnol :
« La transition écologique
sera organisée, ou subie, mais elle aura lieu ». Si elle est subie, on risque
de voir se développer l’idéologie de la « Nature par-dessus
tout » ; c’est un danger. Ce qui est souhaitable, c’est plutôt de l’organiser
par le débat, la démocratie, la participation citoyenne, et l’envoi d’un mandat
clair à l’agriculture : la référence à la raison et à la science.
Le débat de ce soir en est un
exemple : il a donné lieu ensuite à une dizaine de questions.
Un agriculteur pose la question du
bio et de la commercialisation par les grandes surfaces de produits
d’importation de mauvaise qualité : on constate que les normes imposées ne
sont pas les mêmes dans tous les pays.
J.
G. répond qu’il n’existe pas de solution simple ; les normes doivent être
unifiées, mais seule l’Europe en bloc peut imposer des régulations. Tous
souhaitent que le bio ne soit pas un « business organisé » ;
parlant du problème de la grande distribution J.G. déclare : « je
suis pour une économie régulée, mais comment réguler la grande
distribution ? Toutefois, on constate une baisse de fréquentation dans la
grande distribution . De même sur le rapport à la mondialisation, c’est au
niveau de l’Europe que les réponses doivent se faire : l’Europe est un
géant économique, même si c’est encore un nain politique.»
Comment
défendre les petites laiteries locales (exemple de Ker Ronan) contre les géants
comme Danone qui imposent leurs produits dans les grandes surfaces ? Ou
les conserves Daucy qui subissent une baisse des prix malgré la loi
« Egalim » ? La réponse est la même, la difficulté à réguler la
grande distribution.
Un autre question : pourquoi le
vote Le Pen est-il si élevé en milieu rural/ J.G. pose alors le problème en
terme de révolte économique, d’une part, et identitaire d’autre part. Il faut
cesser de défendre le « chacun pour soi », et se parler, débattre sur
le COMMUN ; être français, c’est aussi cela, se demander chaque matin ce
que l’on peut faire pour son pays . Le Commun commence par l’école où il
faut développer d’autres valeurs que l’individualisme. La cérémonie autour des
sauveteurs en mer a été un symbole fort de ce que peuvent être les valeurs du commun. Et de citer le
livre de Jérôme Fourquet : « L’archipel français », qui constate que la société française est
« disloquée ». Et qu’il est nécessaire de retrouver ce que l’on a en
commun, en particulier pour organiser les transitions. Sur le sujet du
« commun », une élue de la commune
souligne les efforts pour organiser ces transitions, et la difficulté à
amener tout le monde à discuter : J.G.
souligne le poids du syndicat majoritaire, et se demande pourquoi les
autres syndicats (dont la Confédération paysanne) n’ont pas su faire des propositions crédibles.
Mais à la question des efforts des agriculteurs aujourd’hui pour faire évoluer
leurs pratiques, il déclare qu’il faut dénoncer l’agribasching et défendre les
progrès d’une agriculture raisonnée, qui est un passage obligé. Sur la
questions des OGM, il déclare que c’est le type de débat qu’on a pas su poser
correctement ; qu’il existe « des bons et des mauvais
OGM » : les bons OGM seraient ceux qui sont l’objet des recherches de
laboratoire, autour des plantes nécessitant moins d’eau, et que les militants
ont eu le tort de faucher dans les serres de l’INRA ; et les mauvais OGM
seraient les plantes de type soja produits à grande échelle par Monsanto et
traitées au « Round up ». Les recherches sont au contraire à
poursuivre et à protéger. Cet exemple est typique de l’affrontement stérile et
de l’obscurantisme.
Sur la question des intrants et de la
chimie en agriculture, plusieurs remarques : oui, l’Espagne doit elle
aussi respecter les normes imposées par l’Europe, les choses évoluent
lentement, mais dans le bon sens. Quels effets de la chimie sur la santé :
oui, on constate une augmentation des cancers, et quand une personne du public
fait remarquer que l’utilisation des intrants ne baisse pas, J.G. répond que le
virage est difficile à prendre, et que l’agriculture est « comme un gros
paquebot » qui manœuvre très lentement.
Sur
la question du Brexit, il déclare que les Anglais sont nos amis, mais
« qu’ils partent » si c’est leur souhait, considérant qu’ils ont
souvent été un frein à toutes les régulations venant de l’Europe.
Images prises le 18 juin 2019
José
María Gil Puchol Productions © 2019
Photographe à Loudéac 22600.
A 20h30 a la salle des fêtes de Laurenan.
Ouverture des portes à 20h.
Adhérents 4€. Non-adhérents 6€.
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"La tranchée des bagnards"
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"L'Abbaye de Beauport"
Une abbaye maritime bretonne.
Paru le 11 janvier 2016
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